Opinion : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-lexcubation-le-nouveau-modele-dinnovation-des-entreprises-996274
L’Excubation : le nouveau modèle d’innovation des entreprises
Innovation et croissance : dans nos grands groupes, ces mots sont dans toutes les bouches. Et pour cause ! Les acteurs historiques sont désormais facilement concurrencés par de nouvelles marques et start-ups sorties de nulle part. Par exemple, dans la grande consommation, les nouvelles petites marques innovantes croissent à un rythme 3 fois plus rapide que les grandes marques symboles de l’ère industrielle.
Aussi, au cours des dernières années, nos grandes entreprises y ont consacré de plus en plus de temps et d’argent en essayant les alternatives stratégiques classiques : “make” via des projets d’intrapreneuriat, de nouvelles méthodes à la mode telles que les safaris “culturels” dans la Silicon Valley ou en Chine ; les “hackathons”, les incubateurs internes (près de la moitié des grandes entreprises françaises hébergent aujourd’hui un incubateur, un accélérateur ou un lab) ; “partner” via de l’open innovation et des programmes de partenariats avec des start-ups ; “invest” avec les fonds de “corporate ventures”, “buy” avec l’acquisition de start-ups censées aider à transformer le business et les organisations.
Les obstacles à l’innovation freinent le développement des entreprises
Pourtant, force est de constater que le taux de succès de ces démarches est faible. Pour la stratégie “make”, les projets intrapreneuriaux déçoivent, victimes du manque d’état d’esprit entrepreneurial des ex-managers devenus intrapreneurs, trop souvent victimes des contraintes internes qui les privent d’agilité (latitude de décision, vitessemoyens). Les greffes d’entrepreneurs externes embauchés pour diriger ces projets “intrapreneuriaux” échouent souvent, car ils n’arrivent pas à s’adapter aux contraintes des grands groupes et manquent de soutien en interne. Les incubateurs ou les labs sont eux souvent victimes du manque de taille critique et de moyens.
Du côté de la stratégie “partner”, l’open innovation et les partenariats grands groupes/start-ups font les frais des différences d’objectifs, de stratégie, d’intérêts, de culture, entre les deux types d’entités. Concernant les objectifs, l’étude David avec Goliath 2017 pour la fondation Raise montre que de nombreuses start-ups ont le sentiment d’être utilisées par les grandes entreprises comme des arguments de communication plutôt que comme des leviers de croissance.
En termes de création de valeur, ces grandes entreprises ont des contraintes de rentabilité. Elles espèrent créer un avantage concurrentiel propriétaire grâce au partenariat avec la start-up, et rêvent logiquement que cette start-up indépendante devienne “captive”, afin qu’elle ne puisse pas revendre au plus offrant ce qui a été fait ensemble, notamment à un concurrent du grand groupe. Les start-ups, elles, veulent garder ouvertes leurs options de revente, donc ne pas être “captives”, pour maximiser leur valeur d’exit
La stratégie “invest” dans un fonds de “corporate ventures” a aussi ses limites, car elle nécessite d’investir des sommes considérables pour posséder 10-15 % de plusieurs start-ups sans en avoir le contrôle, ce qui ne permet pas de faire croitre l’entreprise. La stratégie “buy”, consistant à acheter une start-up qui a du succès coûte quant à elle très cher et se révèle très difficile à rendre relutif et à réintégrer culturellement et opérationnellement dans le cœur d’activité.
Il est sans doute temps de considérer de nouvelles approches, en se posant les bonnes questions en amont.
Trouver l’équilibre entre la puissance des grandes entreprises et la souplesse des start-ups
L’idéal serait donc de combiner le meilleur des deux mondes : allier la puissance des grandes entreprises et l’agilité des petites. Il s’agit de créer des projets qui sont totalement alignés stratégiquement et culturellement avec ce que veut le grand groupe pour profiter à plein de son avantage concurrentiel initial, tout en étant opérationnellement agiles et flexibles pour réduire le “time-to-market”, être concurrentiel face aux start-ups indépendantes et ainsi maximiser les chances de succès. Et évidemment que le tout ne coûte pas le prix exorbitant d’une acquisition.
Pour se rapprocher de cet idéal, un nouveau type d’acteurs émerge dans toute l’Europe. Leur but est de créer pour et avec les grandes entreprises, de nouvelles entités, marques, business models ou “corp-ups”, d’en définir ensemble le cahier des charges, puis d’aligner les intérêts grâce notamment à du co-investissement. Des équipes indépendantes et expertes se chargent ensuite de lancer et développer, de manière autonome, à l’extérieur de la grande entreprise, pour mieux les réintégrer le moment venu.
Exécuter rapidement ses nouveaux projets innovants via l’Excubation
De plus en plus de grandes entreprises, au fur et à mesure qu’elles découvrent ce modèle, veulent l’essayer. En effet, outre l’alignement stratégique, l’agilité et la rapidité opérationnelle, elles y trouvent d’autres bénéfices moins évidents au premier abord. Par exemple, le fait que les risques de recrutement et de réputation sont pris par le “company builder”. Ce dernier, qui a l’expérience des succès et des échecs, peut changer les membres et les compétences de l’équipe projet en fonction des besoins sans que le grand groupe ait besoin de les réaffecter ailleurs. Le coût de ces projets côté grande entreprise peut aussi passer en Opex et pas en Capex, ce qui est beaucoup plus facile à gérer pour un dirigeant.
Évidemment, il n’y a pas de modèle idéal efficace dans toutes les situations, l’Excubation n’échappe pas à cette règle. Mais ce qui fait souvent la différence entre succès et échec, ce n’est pas l’éclat ou la pertinence de l’idée, c’est la capacité à exécuter vite et bien le passage de 0 à 1, puis de 1 à 10. L’Excubation est conçue pour cela avant de passer la main aux grands groupes qui sont eux organisés pour aller de 10 à 1000.
More news…